Ce que deviendrait Bruxelles si la N-VA triomphait

Op 28 februari 2014, over deze onderwerpen: Français

Avoir une idée tenace est une chose. La mettre en œuvre en est une autre. Ainsi, la N-VA rêve de confédéralisme. D’un confédéralisme radical, qui ne laisse plus grand-chose au niveau fédéral, même plus un Premier ministre, qui repose sur deux entités pratiquement autonomes, la Flandre et la Wallonie, avec Bruxelles héritant d’un statut particulier. Un statut si particulier que la sociologie Bea Cantillon (Université d’Anvers) s’est demandée comment le mettre en œuvre.

"La Libre" a tenté d’imaginer à quoi ressemblerait Bruxelles si le modèle de la N-VA devait être mis en place tel quel. La tête de liste N-VA au Parlement bruxellois, Johan Van den Driessche, lui a apporté son concours pour les détails. Ce dernier délivre son message. Bruxelles doit être "plus simple, plus forte et mieux remplir son rôle de capitale" . Le lecteur aura ici la possibilité de se faire son opinion.

 

Une vingtaine de districts à la place des 19 communes

Dans le modèle confédéral de la N-VA, les communes disparaissent et les compétences qu’elles exercent actuellement sont transférées à la Région. Pour un souci de cohérence. "Les gens ne comprennent pas pourquoi il y a deux types de poubelles de rue, un type géré par les communes, un autre par la Région" , commente Johan Van den Driessche. Mais la N-VA propose de nouvelles entités décentralisées : les districts comme à Anvers ou des arrondissements comme à Paris. Ces entités, une vingtaine, s’occuperaient de problèmes très locaux : la politique de parking, l’entretien de certaines rues… Les compétences dont elles disposent sont donc beaucoup plus limitées que pour les communes actuelles. Et en plus leur exercice est contrôlé. "A Anvers, la ville peut toujours corriger une décision prise dans un district , explique le candidat N-VA. On pourrait encore avoir de petites baronnies locales, mais leur pouvoir sera quand même très limité." L’intégration des communes dans la Région est un des moyens d’envisager la diminution de moitié du nombre de mandataires à Bruxelles. "Il y a aujourd’hui 1 100 élus. Nous pensons pouvoir réduire ce nombre à 600."

 

Les compétences économiques à la Région bruxelloise

On entend parfois dire que la N-VA veut la mort de la Région bruxelloise. Ce n’est pas vrai. Dans le modèle confédéral, la Région bruxelloise reçoit même de nouvelles compétences, celles des communes et certaines des compétences actuellement exercées par le fédéral. En plus de ses compétences actuelles (environnement, mobilité, logement, formation, etc.), la Région hériterait en effet de la politique énergétique, de la fixation des prix, de la fixation des salaires, de la concertation sociale, du droit du travail, de la police. Ce sont toutes des compétences liées "au sol".

La Région bénéficierait aussi de l’impôt des sociétés (Isoc) prélevé sur les entreprises situées sur son territoire. Pour Johan Van den Driessche, c’est une manière de responsabiliser les autorités bruxelloises. Ces dernières devront adopter la politique d’accueil la plus favorable aux entreprises. Petite précision : l’Isoc serait prélevé dans la Région où l’entreprise exerce son activité réelle principale, pas où est situé son siège social. C’est l’application de règles internationales pour la N-VA. On peut se demander si la Région bruxelloise n’est pas désavantagée par une telle règle compte tenu de l’étroitesse de son territoire.

 

Deux systèmes de sécurité sociale sur le territoire bruxellois

Dans le schéma institutionnel de la N-VA, les matières "liées aux personnes" sont gérées à Bruxelles par les deux grandes Communautés. Ces dernières continuent de s’occuper de la culture, de l’enseignement, des crèches. Elles deviennent aussi compétentes pour toutes les matières relevant de la sécurité sociale (pensions, allocations familiales, soins de santé, vacances annuelles et allocations de chômage).

Chaque Bruxellois est donc amené à opter pour l’un ou l’autre système de sécurité sociale. Ce "choix bruxellois" a des implications particulières. Il détermine notamment à qui l’impôt des personnes physiques (IPP) est destiné. Dans le modèle confédéral de la N-VA, l’IPP est en effet l’une des principales sources de financement des Communautés. Le choix bruxellois détermine aussi, pour les nouveaux arrivants de l’étranger, la manière dont ils seront intégrés dans la société - et dans l’esprit de la Flandre, cet "inburgering" comportera inévitablement un volet apprentissage du néerlandais.

A noter que le "choix bruxellois" est individuel. Un père de famille ne doit pas choisir le même modèle de sécurité sociale que son épouse et pourrait donc bénéficier de remboursements de soins ou d’un accompagnement au chômage différent. "Cela peut être déjà le cas aujourd’hui , rétorque Johan Van den Driessche. Si l’homme est fonctionnaire et sa femme indépendante, l’un et l’autre bénéficient de droits à la pension différents par exemple."

 

Les malades et les médecins doivent choisir leur Sécu

Chaque Bruxellois devrait choisir entre l’assurance-maladie francophone ou son homologue flamande. Les prestataires de soins eux aussi seraient tenus de s’affilier à l’une ou à l’autre. Un malade aurait le droit de se faire soigner par un médecin dépendant de l’autre assurance-maladie. Il serait alors remboursé selon le tarif en vigueur dans son assurance-maladie. C’est un peu ce qui arrive aujourd’hui quand le citoyen d’un pays est soigné dans un pays étranger. Cela demande donc des échanges d’informations entre les deux Sécu. Pour éviter que le patient ne soit confronté à une plus grande complexité administrative, une banque carrefour unique serait instituée au niveau confédéral. C’est au sein de cette banque carrefour que les informations sur les patients seraient échangées entre les deux assurances-maladies. "Pour le reste , note Johan Van den Driessche, ce sont les ordinateurs qui travailleront."

Quid de l’accueil des patients néerlandophones ? S’ils sont obligés de choisir entre un modèle francophone ou un modèle flamand, les hôpitaux bruxellois choisiront sans doute pratiquement tous le système francophone. Si on excepte l’hôpital universitaire de la VUB, le français est la langue majoritaire dans le milieu hospitalier bruxellois. Il pourrait donc y avoir un problème de prise en charge des patients néerlandophones à Bruxelles. La plupart des hôpitaux bruxellois ne seraient plus tenus de recevoir les patients néerlandophones - ce que, selon la N-VA, ils font déjà très mal malgré les lois linguistiques. La N-VA est consciente du problème. Elle propose dès lors que des accords soient conclus entre la Communauté flamande et les hôpitaux francophones bruxellois pour rendre possible en leurs murs la prise en charge de patients néerlandophones. Ces hôpitaux francophones recevraient des subsides pour cette mission. "Ce serait une motivation supplémentaire, commente Johan Van den Driessche . Aujourd’hui, un hôpital bruxellois qui n’assure pas le bilinguisme des services, et c’est souvent le cas, n’est pas sanctionné."

 

L’emploi à la Région, le chômage aux Communautés

 

L’idée de la N-VA, c’est que tout ce qui concerne le travail à Bruxelles doit relever de la Région et ce qui concerne l’absence de travail (les jeunes au sortir de l’école ou le chômage) doit être pris en charge par les Communautés. Cela implique un découpage particulier. Ainsi, les crédit-temps, le chômage économique ou les congés de maternité - des domaines aujourd’hui gérés dans le cadre de l’assurance-chômage fédérale - dépendraient de la Région bruxelloise. Ils concernent en effet des gens qui ont un travail. En revanche, le paiement des allocations de chômage et l’accompagnement des chômeurs seraient aux mains des deux Communautés. "C’est le modèle que nous avons choisi , plaide Johan Van den Driessche. On aurait pu en choisir un autre. Mais celui-ci est le meilleur pour nous."

Bruxelles serait encouragée à maintenir le plus de gens au travail "car dans notre modèle plus responsabilisant ses recettes dépendraient de la bonne santé de l’économie" . De même, les Communautés seraient encouragées à accélérer la remise au travail des chômeurs pour réduire leurs dépenses. La tête de liste N-VA reconnaît quand même qu’"un minimum de coordination entre la Région et les deux Communautés serait nécessaire" .

On s’interrogera quand même sur la cohérence d’un tel modèle. Un des leviers principaux des politiques d’emploi est la réduction des charges sociales. Or les charges sociales, c’est un élément de financement de la Sécu. Donc dans le modèle N-VA, c’est une compétence des Communautés. Cela veut dire que c’est la Wallonie et la Flandre qui décideraient des réductions de cotisation sociale pour les travailleurs bruxellois (et non pas la Région bruxelloise pourtant compétence en matière d’emploi).

Par ailleurs, les réductions de cotisations sociales bénéficieront aux travailleurs bruxellois selon le choix - Flandre ou Wallonie - qu’ils ont posé. Cela veut donc dire qu’un travailleur bruxellois ayant opté pour le système wallon pourrait devoir verser une cotisation personnelle à la sécurité sociale supérieure que son collègue qui fait exactement le même travail, mais qui a eu le nez fin en choisissant le modèle flamand.

A noter que ce choix entre Sécu wallonne et flamande ne se poserait pas pour les employeurs. Estimant que le coût salarial à charge des entreprises doit être le même pour tous les travailleurs, la N-VA juge que le montant des cotisations patronales doit être calculé selon une base identique. En pratique, il s’agira d’une moyenne entre le modèle wallon et le modèle flamand. La banque carrefour confédérale serait chargée de prélever les cotisations patronales et redistribuerait les sommes aux deux organismes de sécurité sociale en fonction du nombre de travailleurs qui y sont affiliés.

N’est-ce pas instaurer une usine à gaz ? Johan Van den Driessche ne le pense pas. "Aujourd’hui, avec les programmes informatiques de plus en plus élaborés, les secrétariats sociaux n’auront aucune peine à calculer le montant des cotisations sociales pour chaque travailleur." Du reste, il ne voit pas d’autre solution si on veut le confédéralisme en Belgique. "Une Sécurité sociale spécifique pour Bruxelles n’est financièrement pas une alternative , explique-t-il. Bruxelles a trop de risques négatifs sociaux à couvrir. Elle a besoin de la solidarité de la Flandre et de la Wallonie."

 

Le règne des sous-nationalités ?

Beaucoup, et pas seulement les partis francophones, ont fait valoir que le modèle confédéral de la N-VA revient à créer deux sous-nationalités à Bruxelles, les plus opposés parlant même d’un système d’apartheid. Johan Van den Driessche réfute l’image. "On ne peut pas parler de sous-nationalité, car il n’y aurait pas de condition d’accès à l’un ou l’autre système. Il ne faudrait pas démontrer la connaissance d’une langue par exemple."

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